Fab-Materia
Résidence de recherche et création au Fablab Corti
La Colophane comme liant
C’est la partie solide de la résine de pin, que nous utilisons comme base de matériau. Pour l’obtenir, on distille la résine pour séparer la colophane (solide) de l’essence de térébenthine (huile essentielle).
Moulable, hydrophobe,transparente et collante, la colophane a des caractéristiques paradoxales mais très intéressantes, qui nous permettent de l'envisager comme un liant pouvant potentiellement se substituer à la pétrochimie.
Mêler design et science
Comment le design et la science peuvent-ils contribuer ensemble à la recherche de matériaux porteurs de sens ? Comment tirer parti de la complémentarité des ressources disponibles sur le territoire ? Pourquoi les savoir-faire ancestraux se perdent-ils ? Comment s’en inspirer et les confronter aux machines du fablab dans la recherche de matériaux ?
Autant de questions auxquelles j’ai tenté de répondre lors de cette première édition de Fab-materia, une résidence à la matériauthèque du FabLab Corti, à Corte, en Corse.
Entre fablab et labo
Pendant un mois et demi, j'ai travaillé main dans la main avec Guillaume Costa, chimiste et responsable de la matériauthèque, sur la résine de pin Laricio en tant que liant dans l’optique de créer des matériaux composites en la mêlant à d’autres matières corses : du liège, de la laine et des résidus de la distillation d’huiles essentielles tels que les aiguilles de pin Laricio et l’immortelle.
Récolter notre propre résine
Le gemmage est le nom du procédé de récolte de la résine de pin.Accompagnés par l’ONF, nous sommes allés tester notre dispositif (imprimé en 3D au fablab !) sur des pins laricio, espèce endémique et emblématique de Corse, afin de récolter notre propre résine.
Des matériaux inexploités
La Corse regorge de matières premières peu exploitées. Le liège corse, par exemple représente 2% de la production mondiale mais est presque totalement exporté. La laine de brebis est considérée comme un déchet car elle est trop rustique pour l'habillement. De plus, sa transformation et filage en bobine se fait pour l'heure à l'étranger par manque de filière sur le territoire, ce qui augmente considérablement son coût et son empreinte carbone. Elle est donc la plupart du temps brûlée. Pourtant, elle représente un important gisement de matière régulier.
Des savoir-faire en voie de disparition
Pourtant fondateurs de l'identité corse, de nombreux savoir-faire ancestraux se perdent suite à l’évolution de la société et de nos modes de vie. Lors d'une rencontre passionante avec Pierre-Jean Luccioni, spécialiste des savoir-faire ancestraux corses, j'en ai appris un peu plus sur l'utilisation de la poix (résine cuite) dans l'histoire et sur de nombreux savoir-faire en général. J'ai aussi eu l'occasion de visiter d'anciens fours à poix avec Francis Mercuri, ancien berger de la valée d'Asco.
La perte des savoir-faire est un sujet qui m'a interpelée car il soulève de nombreuses questions : Par quoi ont-ils été remplacés ? Y-a t-il un intérêt à les préserver ? Dans une société où nous n'avons plus le temps, y-a t-il encore la place pour de telles pratiques ? Comment peut-on adapter ces gestes à notre société moderne ?
Des matériaux usinables et thermoformables
Sous forme de plaques, les matériaux obtenus sont compatibles avec plusieurs machines du fablab. J'ai donc pu les usiner à la fraiseuse numérique, les thermoformer, les scier, les poncer, les souder... Il est aussi possible de les couler pour les mouler directement et de les souder entre eux, la résine servant dans ce cas de colle.
Des ressources complémentaires
Pour mettre en avant la complémentarité des matériaux de Corse et l’étanchéité de la colophane, j’ai réalisé une série de vases. Pour contrebalancer le côté collant de la résine et pouvoir manipuler ces objets, les anses sont réalisées à partir d’un autre matériau insulaire.
Ces objets sont inspirés de l'usage historique de la poix (colle, étanchéification, empesage des fils...) tout en étant réalisés à l'aide des technologies du fablab (impression 3D, fraiseuse numérique, thermoformage...)
De nouveaux gestes
En travaillant ces nouveaux matériaux, peu à peu, des automatismes s'installent, créant un véritable savoir-faire acquis par l'expérience, mêlant artisanat et numérique.
Les gestes pour travailler la colophane sont directement liés à ses caractéristiques physiques, proches de celles de la céramique, du plastique, du verre, du bois, du caramel et du chocolat.
J'ai donc emprunté quelques outils à tous ces domaines pour les adapter à la colophane.
Exposition à la caserne Padoue
Le projet est exposé à Corte dans la nouvelle matériauthèque du fablab
